Fairphone : un GSM pour un monde électronique plus équitable

Mis à jour le
minutes de lecture

Créé par une start-up hollandaise, le Fairphone dénote dans l’univers de la téléphonie mobile. Avec lui, pas de performances mirobolantes ou de technologies dernier cri mais une promesse bien plus louable : celle de prendre soin de l’environnement et des Hommes.

Chaque jour, nous utilisons notre GSM. Il nous accompagne partout et quasiment tout le temps. En bref, il nous est indispensable. Mais avez-vous déjà songé une seconde à son origine ? Car s’il améliore notre quotidien, il pousse également les ouvriers qui le fabriquent à travailler dans des conditions difficiles. Sans parler de son impact écologique désastreux. Que faire alors pour changer les choses ? Se priver de notre téléphone ? Non… Mais en acheter un qui nous permet de rester en contact avec le monde tout en prônant des valeurs fortes, pourquoi pas ? Cette démarche militante est possible depuis le lancement d’un téléphone équitable par la société néerlandaise Fairphone. Mais quelles sont les promesses faites derrière cet objet ?

Un choix judicieux des matières premières

Inventé par une entreprise néerlandaise, le concept de fairphone (fair signifie "juste" en anglais) a de quoi séduire les consommateurs à la recherche d’une alternative éco-équitable aux grandes marques. Pourquoi ? Car tout le cycle de production de ce téléphone respecte la philosophie sociale et environnementale voulue par ses créateurs. À commencer par le contrôle de l’extraction des minerais en Afrique. Pour fabriquer un téléphone, il faut évidemment disposer des matières premières permettant de le faire. C’est-à-dire de divers minerais et de terres rares, terme désignant 17 métaux aux propriétés exceptionnelles. Parmi les principaux éléments utilisés se trouvent le tantale, l'étain et le tungstène mais leur extraction pose question. En effet, la plupart de ces ressources se situent dans des zones de conflit à l’est de la République démocratique du Congo où les mines sont contrôlées par des chefs de guerre locaux. Par conséquent, l’achat des minerais qui composent nos téléphones portables et tablettes finance directement les groupes armés. Ce problème s’ajoute au fait que dans ces mines, les conditions de travail sont déplorables et que des enfants y sont présents. Une situation bien connue sous le nom sordide de "minerais de sang" car les rebelles pillent et massacrent le peuple pour garder le contrôle de ces métaux. Mais ce n’est pas tout. L’exploitation des matériaux utiles à toute l’industrie électronique a également des effets néfastes sur l’environnement. Les sols s’appauvrissent, les paysages sont dénaturés… Et surtout, la pollution générée lors de la transformation des matières premières en composants est très importante. De nombreux déchets radioactifs, particulièrement nocifs, sont produits et contaminent les écosystèmes alentours. En bref, le bilan chimique est très lourd mais également le bilan humain ! Des villages entiers se retrouvent privés d’eau potable et perdent leurs récoltes devenues incomestibles. Les habitants n’ont dès lors pas d’autre choix que de partir et ceux ayant décidé de rester meurent pour la plupart avant 40 ans, empoisonnés par l’un des produits et atteints d'un cancer. Et enfin, pour ne rien arranger, les matériaux employés ne sont pas renouvelables. Autrement dit, nous en disposons d’un stock limité car celui-ci n’a pas le temps de se régénérer au vu du temps dont les ressources ont besoin pour se renouveler et de la vitesse à laquelle nous les extrayons. C’est pour toutes ces raisons que la start-up néerlandaise a décidé de proposer sur le marché un appareil fabriqué autrement en agissant dès le début de la chaîne d’approvisionnement. Elle veille ainsi à ce que les composants de ses téléphones ne soient pas liés au financement des conflits armés et à ce qu’ils contiennent le plus possible de matériaux recyclés. Quant aux pratiques dangereuses et polluantes constatées dans les mines, la société essaie de les abolir en sensibilisant le marché et le grand public ainsi qu’en proposant de nouvelles méthodes de travail. Si aujourd'hui elle entreprend des démarches à différents niveaux, elle n'avait pas du tout cette ambition à ses débuts. En effet, en 2010, son projet relevait plus de l'humanitaire comme l'avait confié à l'époque Miquel Ballester, cofondateur de Fairphone.

La promesse de conditions de travail décentes

Le Fairphone est loin d’être un téléphone comme les autres et mérite le détour grâce à la manière dont il est produit et vendu. Nous n’y pensons pas quand nous achetons un GSM ou une tablette tactile mais par cet acte, nous contribuons au développement d’un marché qui est loin d’être un exemple en matière de respect des droits des travailleurs. Aujourd’hui, la majorité des smartphones est produite en Chine. Devenu le nouvel eldorado pour les fabricants, le pays attire ces derniers grâce à son savoir-faire et à ses faibles coûts de main-d’œuvre. Il permet donc aux entreprises de profiter d’un rapport qualité/prix élevé. Mais humainement, la situation est moins réjouissante. En plus de recevoir une rémunération basse, les ouvriers chinois évoluent très souvent dans des conditions déplorables : horaires abusifs, productivité exigée à peine exécutable, sécurité défaillante, hygiène douteuse… Leur situation est loin d’être enviable et parmi eux figurent même des enfants. En effet, sources d’économies et faciles à contrôler, ils sont largement mis à contribution par les entreprises du secteur. Alors que faire ? En guise de contestation, la société Fairphone a décidé d’aller à contre-courant et de créer un téléphone en respectant le bien-être des employés. Quand le moment est venu de choisir ses partenaires en Asie, elle a ainsi pris le temps de visiter différentes entreprises afin d’analyser les conditions de travail en usine et d’identifier les points à perfectionner. Évidemment, elle ne jette son dévolu que sur celles désirant améliorer les aspects sociaux et environnementaux du métier et acceptant d’utiliser uniquement les minerais qu’elle leur fournit. Une fois qu’elle a trouvé les sociétés satisfaisant ses exigences, Fairphone ne les délaisse pas puisqu’elle assure suivre régulièrement les progrès accomplis. Une bonne manière, selon elle, de "nouer des relations durables afin de conseiller et d’accompagner ses fournisseurs dans la création de lieux de travail plus agréables et plus sûrs".

La collecte et le recyclage des vieux téléphones

Fabriquer un produit le plus équitable possible dans les conditions du marché actuelles est un acte louable. Mais que faire de lui une fois qu’il ne fonctionne plus ? La société souhaitant encourager une consommation responsable, elle a logiquement réfléchi à la suite donnée à ses appareils. Au lieu de les voir jetés à la poubelle comme c’est le cas pour des millions de smartphones chaque année, Fairphone a prévu un programme de recyclage en collaboration avec des acteurs spécialisés dans ce domaine. L'entreprise prend ainsi le soin de récupérer ses vieux téléphones afin de leur donner une seconde vie. Ils sont soit réutilisés lorsqu’ils marchent toujours, soit recyclés. Pour limiter les déchets, elle incite même ses clients à faire réparer leur appareil. Consciente que cette tâche n’est pas à la portée de tous, la société a conçu ses téléphones de manière à ce qu’ils soient modulaires. Cela signifie que l’écran, la batterie, le port USB ou l’appareil photo peuvent être changés en un tour de main. Par ailleurs, Fairphone vient en aide aux pays émergents qui ont du mal à gérer la collecte des appareils électroniques. Une fois récupérés, elle se charge avec ses partenaires locaux d’expédier ceux hors d’usage vers l’Europe afin de les faire recycler correctement.

L'envers du décor changera-t-il un jour ?

Aujourd’hui, les comportements désolants pour l’environnement et la condition humaine constatés tout le long de la chaîne de production des matières premières pour l’électronique sont loin d’être un secret. Alors pourquoi continuent-ils à se produire ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'inertie face à des tragédies. Il y a d’abord sans doute un problème de prise de conscience. L’information fonctionnant par vagues, la population prend à peine connaissance d’un drame qu’un autre survient. Difficile dans de telles conditions de s’intéresser de près à un événement en particulier. Ensuite, il y a la notion de responsabilité. Qui sont les coupables ? Pour provoquer l’indignation du public et changer les choses, il faut généralement que des noms soient divulgués. Sans cela, l’information a un impact limité. Si les manières de produire un smartphone n’évoluent pas, c’est aussi à cause des lobbies. Quand la situation l’exige, les plus grands fabricants parviennent à mettre de côté la concurrence afin de protéger leurs intérêts communs. Ils tiennent alors tous le même discours lorsque des sujets aussi délicats que les mauvaises conditions de travail dans les usines sont mises sur le tapis. Bien sûr, ils ne manquent pas au passage d’atténuer leur responsabilité. Mais il ne faut pas être naïf : en tant que consommateurs, nous faisons également partie intégrante de ce mécanisme. Bercés par les publicités des marques et leur communication consensuelle, nous parlons souvent de leurs innovations mais presque jamais de leurs politiques. Quand nous avons par exemple hâte de découvrir et d’acheter le dernier modèle d’Apple ou de Samsung, nous ne voulons pas être dérangés par des nouvelles venant gâcher notre plaisir. Et bien souvent, nous nous déresponsabilisons à notre tour. En effet, qui ne s’est jamais dit : "de toute façon, si je suis le seul à changer mon comportement, cela ne servira à rien" ? De plus, nous nous rassurons en nous disant que les événements ne dépendent pas que de nous et que les enjeux nous dépassent complètement. Si cela est au fond assez juste, il serait sans doute dommage de perdre tout espoir. En effet, à plusieurs reprises, les consommateurs ont réussi à faire entendre leur position en créant un buzz sur internet. Ils pourraient alors décider de faire de même pour les smartphones en communiquant leur désir d’un produit plus équitable. Peut-être que les entreprises ne suivront pas la tendance pour des raisons morales mais elles devraient s’y intéresser pour des raisons commerciales. Au bout du compte, avec le développement d’un commerce équitable, nous pourrons toujours profiter de la technologie et de ses nombreux avantages. Car bien sûr, elle est bénéfique à de nombreux points de vue. Mais si en achetant un smartphone, nous ne soutenions pas uniquement la révolution numérique mais également la façon avec laquelle nous traitons les Hommes et notre Terre ?

Le Fairphone : que vaut-il ?

Vous voulez faire bouger les choses et rejoignez les valeurs défendues par Fairphone ? Voyons alors si son téléphone vous satisfera. En 2013 était sorti le premier GSM de ce type. Affiché à 325 euros, il n’avait pas rencontré un succès fulgurant, les ventes en Europe n’atteignant que quelques dizaines de milliers d’exemplaires. On est donc loin des millions écoulés par les géants de l’électronique. Le second modèle est apparu début 2016 avec à la clé, quelques améliorations. Sa conception a été revue et par la même occasion, sa durée de vie augmentée. Grâce au remplacement facile des composants, il fonctionnerait pendant environ 4 ans contre 2 ans pour les téléphones des concurrents. Son coût : 525 euros. Ce chiffre vous paraît élevé ? C’est normal, il s’explique par la volonté de l’entreprise de payer décemment les ouvriers et par le fait que l’appareil est fabriqué en petite quantité. Mais quel est son rapport qualité/prix ? Disons-le directement : le Fairphone 2 n’est pas le téléphone le plus performant du marché. Selon les personnes qui l’ont testé, il pourrait faire mieux en termes d’autonomie et de design. Lui sont par exemple reprochés son épaisseur importante - due au fait que les pièces peuvent être remplacées - ses larges bordures et sa coque en plastique. Ses principales qualités viennent donc de son côté responsable et écologiquement durable mais aussi de sa robustesse. À vous de voir si ces facteurs comptent dès lors que vous devez choisir votre smartphone.

 

Ses spécifications techniques

Doté d’une configuration milieu de gamme, le Fairphone 2 possède les caractéristiques suivantes :

  • Système d’exploitation : Android 5.1 Lollipop
  • Écran : Full HD LCD de 5 pouces (12,7 centimètres)
  • Résolution : 1920 x 1080 pixels
  • Processeur : Qualcomm Quad Core 2,26 GHz
  • Batterie : 2420 mAh
  • Appareil photo : 8 millions de pixels à l’arrière et 2 millions à l’avant
  • Mémoire interne : 32 GB
  • RAM : 2 GB
  • Extension via microSD : oui
  • Double SIM : oui
  • Poids : 148 grammes

À noter que ce téléphone est compatible avec les technologies Bluetooth, Wi-Fi et 4G LTE.

Tout savoir sur le marché des smartphones en vidéo